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  • Photo du rédacteurPatricia Nagler

Complices par le silence ?


Jean est un homme de tout juste quarante ans. Il vient me voir en se demandant comment il peut mieux s’organiser dans son travail. De ce fait, il se demande s’il est à sa place, dans le poste d’adjoint des cadres qu’il occupe depuis maintenant deux ans dans une grande entreprise d’import-export. Nous explorons sa demande et Jean va peu à peu spécifier sa souffrance : quasiment tous les matins, l’un de ses collègues, Paul, s’adresse à lui avec agressivité, et c’est quelque chose qui dure depuis plusieurs mois.


Nous allons alors tous les deux nous rendre compte que sa demande de mieux planifier son travail, voire de changer de poste, ne recouvre pas tout à fait le véritable besoin qui le taraude.


En fait, régulièrement, son collègue Paul vient lui donner du travail en lui parlant de façon saccadée, en ne le regardant pas dans les yeux, en lui disant des choses comme : « Ce n’est pas encore fini ce travail ? » et Jean se sent alors blessé, heurté, mal à l’aise. Or, ce qui le blesse le plus, c’est que Paul ne se comporte pas du tout de cette façon avec ses autres collègues.


Peu à peu, en parlant avec eux, Jean découvre que ce n’est pas la première fois que Paul agit ainsi. Il apprend, qu’au fil du temps, Paul a « toujours » quelqu’un dans le collimateur, un bouc émissaire sur lequel il semble se défouler. Du moins, c’est ce que les anciens de l’entreprise lui révèlent et interprètent… Cette différence de traitement que Paul lui impose et lui fait subir, va atteindre Jean dans sa dignité. Il a de moins en moins confiance en lui. Il appréhende de devoir croiser Paul, de devoir aller jusque dans son bureau. Mais voilà, par moment, ils sont bien obligés de travailler de concert.


Au fil des entretiens, nous allons tous les deux réfléchir, sur la façon qu’il a d’entretenir cette situation. Nous allons envisager des options pour qu’il passe d’une posture de Victime à celle d’Acteur. Grâce à des techniques qui s’inspirent, entre autre, de l’Analyse Transactionnelle et d’une Communication sans violence, Jean va s’entraîner à dire : « Non », « Stop », « Lorsque tu rentres dans le bureau et que tu dis bonjour à nos collègues et que tu ne m’adresses pas la parole, je me sens très mal, je souhaite que cela change, car j’ai besoin de respect. Je voudrais que l’on discute de cela tous les deux. Tu serais d’accord ? » Jean a travaillé sur ses peurs, et, peu à peu il a pu les transformer en courage. Il a su faire la différence entre les peurs du petit garçon qui sommeille en lui et qui devait affronter des parents maltraitants lorsqu’il était enfant, et l’adulte qu’il est aujourd’hui avec les forces, les compétences et capacités qui sont les siennes en tant qu’homme.


A ce jour, Jean a pu dire un certain nombre de choses à son collègue et la situation s’est apaisée.

Il était venu pour chercher des pistes d’emplois possibles, il est reparti avec l’idée de mieux s’affirmer, en se faisant respecter et en posant ses limites, tout en restant dans son poste.


Réflexions


Cette situation m’a fait penser à cette scène dans un métro Lillois où une jeune femme se fait agresser par trois hommes. Certains occupants de la rame du métro ne sont intervenus qu’après une demi-heure. Entre temps, ils ont soit assisté, silencieux à la scène, soit ils sont partis dans une autre rame pour ne pas en être témoins.


Lorsque l’on demande aux personnes pourquoi elles n’interviennent pas dans une telle situation, elles répondent « qu’elles ne veulent pas avoir d’ennuis »


Ne pas intervenir dans une situation de maltraitance à laquelle l’on assiste nous amène à devenir indirectement complices de cette situation. Certes, se positionner suppose de prendre le risque d’être agressé à son tour. Or, dans un groupe, chacun se dit que quelqu’un d’autre finira bien par intervenir.


Les psychosociologues ont démontré que plus il y a de témoins, moins il y a d’intervention…

Je reçois très souvent des adultes qui viennent au cabinet pour chercher de nouveaux projets professionnels à mettre en œuvre. Ce qui va parfois les motiver ce sont des situations de travail de maltraitance, de mésententes, de malveillances, et qui ne sont pas traitées.


Parfois, changer d’emploi sera la meilleure solution, mais parfois, comme dans le cas de Jean, ce sera d’apprendre à faire cesser la maltraitance. Ce sera plus simple si c’est à un collègue du même niveau hiérarchique qu’il faut faire face. Ce sera en effet beaucoup plus complexe lorsqu’il s’agit d’un hiérarchique.

Ce qui est évident, c’est qu’il est indispensable de ne pas rester seul avec la difficulté. Sortir du face à face, en parler, échanger avec d’autres, faire savoir, me paraît essentiel pour obtenir de l’aide et

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